Insee PremièreLes comptes prévisionnels de l’agriculture pour 2013 Baisse des prix des grandes cultures et des œufs

Claire Lesdos-Cauhapé, division Industrie et agriculture, Insee

L’année agricole 2013 est marquée, après la flambée de 2012, par une forte baisse des prix des céréales, oléagineux, protéagineux et pommes de terre, ainsi que de ceux des œufs. Les volumes sont globalement stables, ils se réduisent nettement pour le colza et le blé dur tandis qu’ils progressent fortement pour les œufs. Au total, la valeur de la production agricole, y compris subventions, diminue de 3,7 % par rapport à 2012.

Parallèlement, les charges des agriculteurs augmentent à nouveau, principalement en raison du renchérissement de l’alimentation animale et de la progression des quantités d’engrais utilisées. Après trois années de hausse, le résultat de la branche agriculture régresserait globalement. L’emploi agricole continuerait par ailleurs à décroître.

D’après les estimations du compte prévisionnel de l’agriculture, le résultat agricole net (ou valeur ajoutée nette au coût des facteurs) par actif se réduirait de 16 % en termes réels en 2013, après trois années de croissance. Cette évolution résulte de grandes disparités selon les orientations des exploitations.

Claire Lesdos-Cauhapé, division Industrie et agriculture, Insee
Insee Première No 1477- Décembre 2013

Les prix des grandes cultures diminuent

En 2013, le volume global des récoltes de céréales décroît légèrement par rapport au niveau élevé de 2012, la hausse des surfaces ne compensant pas tout à fait le repli des rendements. La production d’orge se réduit en raison de moindres rendements ; ces derniers avaient atteint un niveau record en 2012. La récolte de blé dur chute en 2013 sous l’effet d’une baisse importante des surfaces due aux mauvaises conditions climatiques lors des semis. En revanche, les récoltes de blé tendre et de maïs progressent du fait d’une hausse des superficies. Le prix de l’ensemble des céréales décroît fortement en 2013, après une envolée en 2012. En effet, la production mondiale est abondante et les stocks se sont reconstitués. Néanmoins, la demande mondiale reste soutenue, notamment de la part de la Chine. En France, les prix du blé tendre et de l’orge diminuent de 22 % dans ce contexte de hausse des disponibilités. Le prix du maïs recule de 25 % en lien avec le record de production mondiale attendu et la forte concurrence ukrainienne. Les cours du blé dur se replient aussi, limités par la baisse de qualité de l’offre française due aux pluies printanières, et par la vive concurrence canadienne.

La récolte d’oléagineux décroît de 14 % par rapport à 2012 et devient inférieure de 12 % à la moyenne quinquennale : la récolte de colza se réduit de 20 % en raison des conditions climatiques défavorables, tandis que celle de tournesol se redresse après une chute en 2012. Les cours des oléagineux régressent fortement en 2013 car la production mondiale est abondante, notamment aux États-Unis, en Argentine et en Ukraine, et les stocks sont élevés. Toutefois, la demande mondiale, en particulier chinoise, reste importante. Le prix du colza diminue de 20 % malgré la baisse de la production française et celui du tournesol se replie de 22 %, dans un contexte de production élevée en Europe et dans les pays de la mer Noire. La récolte de protéagineux diminue à nouveau en 2013 du fait du déclin continu des surfaces et d’une baisse des rendements. Le prix des protéagineux baisse de 22 %, dans le sillage de ceux du blé et des tourteaux de soja auxquels ils peuvent se substituer pour l’alimentation animale.

La production de betteraves recule en 2013, comme en 2012, après avoir atteint un niveau record en 2011. Les rendements se replient fortement, pénalisés par le climat défavorable du printemps et les pluies abondantes d’octobre. La richesse en sucre est faible. Le prix des betteraves s’infléchit en lien avec la baisse des cours mondiaux du sucre, la production mondiale étant attendue en excédent.

Les récoltes de fruits sont en hausse ; elles s’accroissent fortement pour les cerises, les poires et les pommes, après la chute de 2012, tandis qu’elles déclinent pour les abricots et les pêches. Elles se stabilisent pour les fraises. Les prix des fruits augmentent : ils se redressent nettement pour les abricots et les pêches, favorisés par l’importance de la demande due à la chaleur estivale, tandis qu’ils reculent pour les fraises et les cerises face à une demande affaiblie par le temps froid du printemps.

Les récoltes de légumes diminuent à nouveau en 2013 et les prix continuent à monter. Les volumes produits sont en recul pour la plupart des légumes, notamment pour les concombres et les courgettes en raison du climat défavorable du printemps et de la diminution des surfaces.

Les quantités de pommes de terre de conservation se redressent en 2013, mais restent inférieures à la production moyenne des cinq dernières années. Les surfaces augmentent, stimulées par les bons prix de la campagne précédente, et les rendements s’améliorent. Après une envolée en 2012, les prix reculent en 2013.

La production de vin se redresse en 2013. La récolte est légèrement supérieure à celle historiquement faible de 2012 : elle s’accroît pour les vins de table et de pays et pour les vins de champagne, mais elle continue à décliner pour les autres vins d’appellation en raison des conditions climatiques défavorables, notamment en Bourgogne et dans le Bordelais. Les prix des vins continuent sur une tendance à la hausse dans un contexte de faiblesse des disponibilités, les stocks restant peu élevés. Les exportations poursuivent leur progression initiée en 2010. Les vins courants et le champagne continuent à s’apprécier ; la hausse des prix des autres vins d’appellation s’accélère en 2013.

Le prix des œufs régresse

Le prix des gros bovins continue à s’accroître, tiré par le tassement de l’offre. Le volume de la production baisse légèrement. Les abattages se réduisent en 2013, sauf pour les taurillons. Les exportations de bovins mâles vivants faiblissent également. La diminution du cheptel est moins forte qu’en 2012.

Le prix des veaux continue à augmenter en raison d’une offre maîtrisée et bien adaptée à la demande. Le volume de production poursuit donc son recul.

Pour les porcins, la hausse de prix est modérée dans un contexte d’offre réduite. Les abattages se replient et le cheptel porcin est en baisse, notamment pour les truies.

Pour les ovins, les prix restent soutenus en raison de la faiblesse de l’offre conjuguée à une concurrence extérieure limitée, même si la demande reste peu dynamique. Le volume de production décroît : les abattages augmentent pour les brebis, mais ils se replient fortement pour les agneaux en lien avec la diminution du cheptel reproducteur.

Le volume de production des volailles se stabilise. Les abattages de dindes se réduisent, après une reprise ponctuelle en 2012, tandis que ceux de poulets repartent à la hausse. Les prix continuent à s’accroître en raison d’un meilleur équilibre entre l’offre et la demande.

La production d’œufs s’accroît fortement après une baisse modérée en 2012, mais très nette en 2011 pendant les travaux de mise aux normes européennes des cages de poules pondeuses. Après la flambée de 2012, le prix des œufs chute (− 28 %) dans un contexte de surproduction française et européenne.

La collecte de lait reste stable depuis deux ans. Après douze mois consécutifs de baisse, la collecte a progressé à partir de juillet 2013 sous l’effet de conditions climatiques favorables à la repousse de l’herbe, mais aussi d’une réévaluation du prix du lait et d’un fléchissement du prix des aliments pour bétail. En moyenne annuelle, le prix du lait se redresse de 7 % en 2013 en lien avec le renchérissement des prix des produits laitiers industriels (poudres de lait, beurre…).

La valeur de la production agricole décroît de 4 %

Au total, en 2013, les volumes produits sont quasiment stables, mais les prix baissent. La valeur de la production agricole, hors subventions sur les produits, décroît de 3,8 % par rapport à 2012, en retrait de 2,9 milliards d’euros : la baisse de 3,8 milliards d’euros pour la production végétale n’est pas compensée par la hausse de 0,9 milliard pour la production animale (graphique 1 et tableau 1).

Les s’élèvent à 1,1 milliard d’euros, comme en 2012. La prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, qui reste couplée à 75 % à la production, est la subvention la plus importante de cette catégorie.

La présente des évolutions en volume et en prix proches de celles de la production hors subventions : respectivement − 0,3 % et − 3,4 %.

Graphique 1Variations (2013/2012) de la production de la branche agriculture en valeur hors subventions

  • Vins (12,5 %) : vins d’appellation d’origine, autres vins.
  • Autres produits animaux (12,3 %) : lait et produits laitiers, autres produits de l’élevage.
  • Bétail (15,4 %) : gros bovins, veaux, ovins, caprins, équidés, porcins.
  • Fruits (3,9 %) : fruits frais.
  • Autres produits végétaux (10,3 %) : plantes fourragères (maïs fourrage, autres fourrages), plantes et fleurs.
  • Services (5,3 %) : activités principales de travaux agricoles, activités secondaires de services.
  • Produits avicoles (6,7 %) : volailles, œufs.
  • Légumes (6,7 %) : légumes frais, pommes de terre.
  • Plantes industrielles (6,8 %) : oléagineux, protéagineux, tabac, betteraves, autres plantes industrielles.
  • Céréales (20,1 %) : blé dur, blé tendre, maïs, orge, autres céréales.
  • Les chiffres entre parenthèses indiquent pour chaque groupe de produits sa part en valeur dans l’ensemble de la production agricole de 2012.
  • Lecture : la valeur de la production agricole au prix producteur hors subventions diminue de 2 882 millions d’euros entre 2012 et 2013.
  • Source : Insee, comptes prévisionnels de l’agriculture arrêtés en novembre 2013.

Tableau 1De la production de la branche agriculture à la valeur ajoutée¹

De la production de la branche agriculture à la valeur ajoutée¹
Valeur 2013 (en milliards d’euros) Évolution 2013/2012 (en %)
Volume Prix Valeur
Production hors subventions (a) 73,7 − 0,2 − 3,5 − 3,8
Produits végétaux 42,2 − 0,6 − 7,8 − 8,4
Céréales 11,8 − 1,0 − 22,7 − 23,4
Oléagineux, protéagineux 2,6 − 13,7 − 20,1 − 31,1
Betteraves industrielles 0,9 − 3,0 − 3,0 − 5,9
Autres plantes industrielles2 0,4 − 5,0 4,0 − 1,2
Fruits, légumes, pommes de terre 8,2 1,6 − 0,4 1,2
Vins 10,3 3,2 4,8 8,1
Fourrages, plantes, fleurs 8,0 0,0 1,1 1,1
Produits animaux 27,3 0,4 3,1 3,5
Bétail (bovins, porcins, ovins, caprins, équidés) 12,2 − 1,3 4,4 3,1
Volailles, œufs 5,1 5,5 − 6,3 − 1,1
Lait et autres produits de l’élevage 10,0 − 0,2 6,9 6,6
Services 3 4,2 0,0 2,0 2,0
Subventions sur les produits (b) 1,1 − 1,4 4,1 2,7
Production au prix de base 1 (c) = (a) + (b) 74,8 − 0,3 − 3,4 − 3,7
Consommations intermédiaires (d) 47,0 0,7 1,9 2,6
hors aliments intraconsommés 39,9 0,4 2,3 2,7
Valeur ajoutée brute (e) = (c) − (d) 27,8 − 1,6 − 11,3 − 12,7
Consommation de capital fixe 1 (f) 11,6 1,2 1,9 3,2
Valeur ajoutée nette 4 (g) = (e) − (f) 16,2 − 3,1 − 18,8 − 21,3
  • 1. Voir définitions.
  • 2. Autres plantes industrielles : tabac, lin textile, houblon, canne à sucre, etc.
  • 3. Services : production des entreprises de travaux agricoles, des coopératives d’utilisation de matériel agricole, services entre agriculteurs, agritourisme...
  • 4. Nette de la consommation de capital fixe.
  • Source : Insee, comptes prévisionnels de l’agriculture arrêtés en novembre 2013.

La remontée du coût des intrants se poursuit

La valeur des consommations intermédiaires de la augmente de 2,6 % en 2013 sous l’effet d’une hausse conjuguée des volumes et des prix. Elle s’accroît pour la troisième année consécutive, mais à un rythme moins soutenu qu’en 2011 et 2012.

Les achats d’aliments pour animaux (hors produits agricoles intraconsommés) sont le poste principal des dépenses. Leurs prix augmentent fortement depuis 2010 du fait de l’envolée des prix des céréales jusqu’à fin 2012. Les quantités consommées sont en recul : elles progressent pour les aliments pour bovins, mais se replient pour les aliments pour volailles et surtout pour porcins.

Après s’être fortement alourdie de 2010 à 2012, la facture énergétique diminue en raison du recul des prix. Les prix de l’essence et du fioul régressent dans le sillage du prix du baril de pétrole. Toutefois, le prix du gaz et surtout celui de l’électricité se renchérissent. Les dépenses en engrais s’accroissent sensiblement : le prix des engrais reste élevé et les quantités consommées augmentent. La charge en produits de protection des cultures s’alourdit, mais de façon plus modérée qu’en 2012. Les prix augmentent légèrement et le volume consommé s’accroît : les agriculteurs ont eu davantage recours aux fongicides du fait du climat froid et humide du printemps.

Le résultat de la branche agriculture baisserait fortement en 2013

Comme les consommations intermédiaires continuent à progresser en valeur alors que la production au prix de base diminue, la devrait baisser nettement : − 12,7 % après trois années de croissance. La diminuerait de manière plus accentuée (− 21,3 %), la étant en hausse de 3,2 %. Elle retrouverait le niveau de 2008, bien supérieur au point bas de 2009.

Les versées à la branche agriculture s’élèvent à 8,2 milliards d’euros (tableau 2), en retrait de 3,1 % par rapport à 2012, le « paiement unique » et les aides agro-environnementales ayant baissé.

Après la prise en compte des subventions d’exploitation et des impôts, en 2013, le serait réduit de 17,1 % par rapport à 2012. Comme le volume de l’emploi agricole baisserait tendanciellement de 2,0 % (tableau 3), la baisse du résultat agricole net par actif atteindrait − 15,4 %. Le prix du produit intérieur brut (PIB) augmentant de 1,2 %, le résultat agricole net par actif (graphique 2) chuterait de 16,4 % en 2013. Après trois années de croissance, c’est un retournement sur l’année mais, en tendance, le niveau reste haut.

Graphique 2Évolution du résultat agricole net par actif en termes réels

  • Source : Insee, comptes prévisionnels de l’agriculture arrêtés en novembre 2013.

Tableau 2De la valeur ajoutée au résultat agricole

De la valeur ajoutée au résultat agricole
Valeur 2013 (en milliards d’euros) Évolution 2013/2012 (en %)
Valeur ajoutée nette (a) 16,2 − 21,3
Subventions d’exploitation (b) 8,2 − 3,1
Autres impôts sur la production (c) 1,6 2,4
Impôts fonciers 1,0 1,8
Autres 0,6 3,5
Résultat agricole net (d) = (a) + (b) − (c) 22,8 − 17,1
  • Source : Insee, comptes prévisionnels de l’agriculture arrêtés en novembre 2013.

Tableau 3Évolution du résultat agricole entre 2012 et 2013

en %
Évolution du résultat agricole entre 2012 et 2013 (en %)
Résultat agricole net − 17,1
Résultat agricole net par actif − 15,4
Résultat agricole net par actif en termes réels − 16,4
Évolution du prix du produit intérieur brut + 1,2
Évolution du nombre d’UTA* total − 2,0
  • * Unités de travail annuel (équivalent temps plein de l’agriculture).
  • Source : Insee, comptes prévisionnels de l’agriculture arrêtés en novembre 2013.

Sources

Le compte spécifique de la branche agriculture est établi selon la méthodologie et les concepts du Système européen des comptes (SEC) en base 2000.

À la demande de la Commission européenne, Eurostat publie au mois de décembre de chaque année un compte agricole prévisionnel pour l’ensemble de l’Union européenne. Le compte français est présenté à la Commission des comptes de l’agriculture de la Nation de décembre.

Définitions

Les subventions à l’agriculture comprennent les subventions sur les produits (aides associées à certains types de production), qui ont pour la plupart disparu en 2010, et les subventions d’exploitation, telles que le paiement unique, les aides agro-environnementales et les aides pour calamités agricoles.

La production au prix de base est égale à la production valorisée au prix auquel vend le producteur, augmenté des subventions sur les produits qu’il perçoit et diminué des impôts spécifiques sur les produits qu’il reverse.

La branche agriculture est le regroupement de toutes les unités d’activité économique qui exercent les activités suivantes : culture de végétaux (y compris maraîchage et horticulture), élevage d’animaux, activités de travaux agricoles à façon, chasse et activités annexes. Outre les exploitations agricoles, les unités caractéristiques de la branche comprennent les groupements de producteurs (coopératives) produisant du vin et de l’huile d’olive et les unités spécialisées qui fournissent des machines, du matériel et du personnel pour l’exécution de travaux agricoles à façon.

La valeur ajoutée brute est égale à la production valorisée au prix de base dont on retranche les consommations intermédiaires.

La valeur ajoutée nette est égale à la valeur ajoutée brute diminuée de la consommation de capital fixe.

La consommation de capital fixe mesure la dépréciation annuelle liée à l’usure et à l’obsolescence du capital, lequel est évalué à son coût de remplacement. Elle est évaluée pour l’ensemble des biens de capital fixe de la branche agriculture (plantations, matériels et bâtiments) à l’exception des animaux.

Le résultat agricole net correspond à la « valeur ajoutée nette au coût des facteurs » (valeur ajoutée nette + subventions d’exploitation − autres impôts sur la production dont impôts fonciers). Son évolution peut être rapportée à celle du nombre total d’unités de travail annuel (ou équivalent temps plein) : on obtient ainsi l’évolution du résultat agricole net par actif.

Les indicateurs de revenu sont des moyennes qui résultent d’une grande diversité de situations individuelles. Ils sont présentés en termes réels : les évolutions à prix courants sont divisées par un indice qui reflète l’évolution générale des prix dans chacun des États membres. Vu les grandeurs considérées, on n’utilise pas l’indice des prix à la consommation, mais l’indice de prix du produit intérieur brut (PIB), qui couvre l’ensemble du champ de l’économie. Ainsi, l’évolution d’un prix ou d’un revenu calculée en termes réels est positive ou négative selon qu’elle est supérieure ou inférieure à l’évolution de cet indice.