Insee Analyses Normandie · Mars 2022 · n° 100

6 500 salariés travaillent pour la filière aérospatiale en Normandie

La filière aéronautique et spatiale englobe à la fois les constructeurs d’aéronefs, d’astronefs ou de leurs moteurs, comme Safran ou ArianeGroup en Normandie, et la chaîne d’approvisionnement constituée des sous-traitants, fournisseurs et prestataires de services (fabricants de pièces, d’équipements électriques et électroniques, consultants en ingénierie, bureaux d’études, etc.).

En Normandie, 218 établissements, industriels ou tertiaires, consacrent tout ou partie de leur activité à la filière aérospatiale. En 2020, 13 200 salariés, hors intérim, travaillent dans ces établissements. Certains de ces salariés peuvent travailler dans d’autres domaines que l’aéronautique ou le spatial ou alors ne consacrer qu’une partie de leur activité à cette filière. Un peu moins de la moitié des effectifs des établissements de la filière sont donc spécifiquement dédiés à l’activité aérospatiale. Ces 6 500 salariés représentent 0,9 % des effectifs salariés du secteur marchand non agricole de la région (figure 1 et figure 2). La Normandie rassemble ainsi 2,5 % des effectifs dédiés à l’activité aérospatiale en France. L’emploi de la filière est concentré aux deux tiers dans les régions Occitanie, Île-de-France et Nouvelle-Aquitaine. La filière aérospatiale occupe cependant une place non négligeable en Normandie : l’effectif salarié dédié à l’activité aérospatiale est très proche de celui des Hauts-de-France (6 800) et supérieur à celui de la région Grand Est (6 000), deux régions comportant bien plus d’habitants et d’emplois. Comme dans les autres régions métropolitaines, le poids des activités spatiales est faible en Normandie, seulement 6,2 % des effectifs des établissements de la filière y sont dédiés (6,6 % France entière).

Les effectifs salariés dédiés à l’activité aérospatiale sont inégalement répartis sur le territoire normand (figure 3). Plus de la moitié (56 %) sont localisés en Seine-Maritime. Les trois quarts sont même concentrés dans quatre zones d’emploi, essentiellement seinomarines, où sont installés les plus importants établissements de la filière en Normandie. La zone d’emploi du Havre rassemble ainsi 30 % des effectifs dédiés normands, avec notamment Safran Nacelles, celle de Vernon-Gisors 18 % (ArianeGroup et Goodrich), celle de Rouen 16 % (Safran Aerosystems et Thales) et celle d’Yvetot-Vallée du Commerce 8 % (Revima). Parmi ces zones d’emploi, c’est dans la zone d’emploi de Vernon-Gisors que le poids de la filière dans l’emploi salarié marchand non agricole est le plus fort (5 %). Il dépasse 2 % dans celles du Havre et d’Yvetot-Vallée du Commerce.

En Normandie, l’industrie concentre l’essentiel des effectifs dédiés à la filière, nettement plus qu’au niveau national (93 % contre 77 %). Son poids dans le chiffre d’affaires aérospatial est également plus important dans la région (95 %) que France entière (87 %). Comme au niveau national, quatre emplois sur dix dédiés à la filière sont dans la construction aéronautique et spatiale (figure 2). Dans ce secteur d’activité, l’activité des établissements est presque exclusivement consacrée à la filière aéronautique et spatiale : l’activité aérospatiale représente près de 90 % de leur chiffre d’affaires total et concerne plus de huit salariés sur dix. La construction aéronautique et spatiale s'appuie sur des secteurs industriels spécialisés dans la fabrication d’équipements électriques, électroniques ou de machines, essentiels pour son activité. Un salarié dédié à la filière sur cinq travaille dans ces secteurs en Normandie, un peu plus qu’au niveau national. Le poids des secteurs de la métallurgie et de la maintenance dans les effectifs dédiés à la filière est aussi plus important dans la région (respectivement 16 % contre 12 % et 9 % contre 6 %). Il faut noter par ailleurs qu’après la construction aéronautique et spatiale, c’est dans le secteur de la maintenance que la part des effectifs spécifiquement dédiés à l’activité aérospatiale est la plus forte : plus d’un salarié sur deux de ce secteur travaille pour la filière.

Le poids des établissements du tertiaire dans les effectifs dédiés à la filière est donc faible en Normandie (figure 2). Ils sont quatre fois moins nombreux que les établissements industriels et en moyenne de taille plus réduite. C’est particulièrement le cas des activités d’ingénierie ou de recherche qui représentent seulement 3 % des effectifs de la filière contre 18 % au niveau national. Seule la région Centre-Val de Loire en compte moins (1,5 %). Ceci s’explique sans doute en grande partie par la proximité de l’Île-de-France qui concentre avec l’Occitanie la majeure partie des effectifs nationaux dédiés à ces activités (respectivement 40 % et 41 % pour ces deux régions).

Les 179 entreprises « normandes », celles dont le siège social est en Normandie, rassemblent les deux tiers des effectifs dédiés à l’activité aérospatiale dans la région (figure 2). Elles se consacrent presque exclusivement à l’activité aéronautique : moins de 2 % de leurs effectifs et 3 % de leur chiffre d’affaires sont dédiés à l’activité spatiale, contre plus de 6 % et de 7 % pour l’ensemble des entreprises de la filière présentes sur le territoire normand. L’établissement d’ArianeGroup à Vernon, dont le siège est en Île-de-France, concentre à lui seul 60 % des effectifs dédiés au spatial en Normandie. Le poids de l’activité aéronautique dans le chiffre d’affaires des entreprises normandes est aussi moins important qu’au niveau national (23 % contre 31 % en moyenne), en particulier dans la métallurgie (19 % contre 29 %). Au final, seulement deux entreprises normandes de la filière sur dix sont particulièrement orientées vers l’activité aéronautique et spatiale, avec une part de cette activité représentant plus de la moitié de leur chiffre d’affaires.

En moyenne, le principal client représente un cinquième du chiffre d’affaires de l’activité aéronautique et un dixième du chiffre d’affaires de l’activité spatiale des entreprises normandes de la filière. L‘activité aéronautique et spatiale des entreprises normandes est essentiellement tournée vers le marché intérieur : environ 90 % de cette activité est destinée à des clients localisés en France. L’activité aéronautique est même particulièrement régionale pour les entreprises du tertiaire : les clients normands représentent plus de la moitié de leur activité, contre un tiers dans l'industrie. Trois entreprises normandes de la filière sur dix travaillent sur des programmes militaires (avions, hélicoptères, satellites, missiles, drones, etc.). Pour ces entreprises, l’activité aéronautique liée aux programmes militaires représente en moyenne le quart de leur chiffre d’affaires et l’activité spatiale moins de 10 %.

Les entreprises normandes de la filière ont moins recours à la sous-traitance pour leur activité aéronautique et spatiale qu’au niveau national (12 % contre 18 %). Pour ces entreprises, l’activité sous-traitée représente près du quart du chiffre d’affaires généré par leur activité aérospatiale.

Jusqu’en 2019, le secteur de la construction aéronautique et spatiale était en forte croissance, avec des carnets de commandes biens remplis. Avec la crise sanitaire liée à la Covid-19 et les restrictions sanitaires, le trafic aérien mondial s’est effondré et les commandes passées auprès des constructeurs ont chuté. En 2020, le chiffre d’affaires global des entreprises normandes de la filière a diminué de 27 % et celui généré par les activités aéronautiques et spatiales d’un tiers, comme au niveau national (figure 4). Le recul du chiffre d’affaires aérospatial est moins prononcé pour les entreprises du tertiaire (- 25 %) que pour celles de l’industrie (- 33 %). Il est cependant plus marqué pour les entreprises du tertiaire normandes qu’au niveau national (- 14 %). Dans l’industrie, le secteur de la construction aéronautique et spatiale ainsi que celui de la maintenance subissent les plus forts reculs (respectivement - 33 % et - 41 %), les entreprises de maintenance normandes étant nettement plus touchées qu’au niveau national (- 20 %). De façon plus générale, la baisse d’activité concerne essentiellement l’activité aéronautique des entreprises (- 33 %), l’activité spatiale étant peu impactée notamment en Normandie (- 3 % contre - 10 % au niveau national). La baisse d’activité se traduit dans l’industrie par un net recul du taux d’utilisation des capacités de production qui passe de 74 % en 2019 à 57 % en 2020.

Parmi les facteurs expliquant la baisse d’activité en 2020, sept entreprises normandes sur dix indiquent la baisse de la demande intérieure, leur clientèle aéronautique et spatiale étant très majoritairement localisée en France. Une entreprise sur trois déplore également une baisse de la demande étrangère. Les contraintes sanitaires, confinement mais aussi application des mesures de distanciation qui peuvent limiter la disponibilité du personnel, ont aussi impacté l’activité pour la moitié des entreprises. Les problèmes d’approvisionnement, en lien avec l’arrêt ou le fort ralentissement des échanges internationaux, sont moins souvent évoqués (une entreprise sur cinq). Les stocks accumulés et des besoins moindres liés à la baisse d’activité ont pu, sur cette période, limiter les difficultés d’approvisionnement.

En 2020, les effectifs, hors intérim, des entreprises normandes de la filière ont reculé de 6 % (4 % au niveau national ; figure 4). La baisse a été limitée grâce à un recours important aux dispositifs d’aide et en premier lieu à l’activité partielle pour huit entreprises sur dix. Avec le fort recul de l’activité aéronautique, les effectifs dédiés à ce marché ont baissé de 10 %, une partie des salariés étant repositionnée sur d’autres marchés. Comme au niveau national, les effectifs dédiés à l’activité aéronautique reculent le plus fortement dans la métallurgie (- 26 % en Normandie et - 18 % France entière). Les effectifs dédiés à l’activité spatiale en Normandie restent eux stables en 2020.

Pour faire face à la crise, la moitié des entreprises normandes de la filière ont aussi fait appel au prêt garanti par l’État (PGE) et quatre entreprises sur dix ont demandé des délais de paiement de leurs échéances sociales ou fiscales. La crise sanitaire n’a cependant pas incité les entreprises à changer la localisation de leur activité aérospatiale ou à réintégrer une activité auparavant externalisée. Seules quelques entreprises en Normandie déclarent, en 2020, l’avoir fait ou décidé de le faire suite à la Covid-19.