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Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Novembre 2023 · n° 169
Insee Analyses Auvergne-Rhône-AlpesImmigrés en emploi en Auvergne-Rhône-Alpes : souvent dans le tertiaire et la construction, et en situation de déclassement

Serge Maury, Émilie Sénigout (Insee)

En 2020, 336 400 travailleurs immigrés résident en Auvergne-Rhône-Alpes. Ils représentent 10 % de la population active en emploi de la région et sont principalement originaires d’Afrique et d’Europe. Ils travaillent le plus souvent dans le tertiaire et la construction et près d’un sur trois est ouvrier. Leur niveau d’étude est globalement moins élevé que celui des actifs en emploi non-immigrés. Les diplômés du supérieur sont plus fréquemment en situation de déclassement. Les immigrés natifs du Portugal, de Turquie ou d’Afrique occupent des emplois plus modestes, tandis que ceux originaires du Liban, des États-Unis, de Chine, d'Allemagne ou du Royaume-Uni ont des positions plus favorables.

Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes
No 169
Paru le :Paru le09/11/2023
Immigrés en emploi en Auvergne-Rhône-Alpes
Publication rédigée par :Serge Maury, Émilie Sénigout (Insee)

La est constituée des personnes nées, sans la nationalité française, à l’étranger. En 2020, 586 000 immigrés âgés de 15 à 64 ans résident en Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi eux, 336 400 exercent un emploi, dans la région ou en dehors. Le des immigrés de 15 à 64 ans est donc de 57 % dans la région, soit trois points de plus qu’en France de province, mais il est nettement inférieur à celui d’Île-de-France (64 %).

La population immigrée rencontre des difficultés d’insertion sur le marché du travail

Ce taux d’emploi est 12 points inférieur à celui des non-immigrés. Cet écart, de cinq points chez les hommes, atteint 18 points chez les femmes : 49 % des femmes immigrées sont en emploi contre 67 % chez les non-immigrées.

Ces taux moindres s’expliquent en grande partie par des difficultés d’accès à l’emploi causées par la maîtrise de la langue, le niveau de scolarisation dans le pays d’origine, les horaires proposés (temps partiel contraint), le caractère pénible des emplois offerts ou les discriminations… Ces freins peuvent toucher plus fréquemment les femmes, notamment celles ayant des enfants. De cette insertion plus difficile sur le marché du travail résulte une part de chômeurs deux fois plus importante que pour les non-immigrés (14 % contre 7 %), pour les hommes comme pour les femmes.

Ces taux d’emploi plus faibles vont de pair avec une part d’hommes et de femmes au foyer plus importante chez les immigrés que chez les non-immigrés (9 % contre 2 % (encadré)), taux qui atteint 17 % chez les femmes.

Les difficultés des immigrés face au marché du travail se retrouvent aussi dans les types d’emplois occupés, souvent plus précaires que ceux des non-immigrés. En effet, 20 % des travailleurs immigrés exercent un emploi à durée limitée (CDD, intérim, emplois aidés) contre seulement 13 % pour les non-immigrés. En particulier, deux fois plus d’immigrés sont employés en intérim (4 % contre 2 %). Ils sont également plus nombreux à travailler à temps partiel (22 % contre 17 %).

Un actif en emploi sur dix est immigré en Auvergne-Rhône-Alpes

Ces 336 400 travailleurs immigrés représentent 10 % des actifs occupés de la région. Ce taux est le quatrième de France métropolitaine, derrière l’Île-de-France (23 %), la Corse (12 %) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (11 %), mais loin devant la Normandie, les Pays de la Loire et la Bretagne où il ne dépasse pas 5 %. Parmi les immigrés en emploi résidant en Auvergne-Rhône-Alpes, 29 % sont arrivés en France depuis moins de dix ans (contre 16 % depuis plus de 40 ans), et 41 % sont devenus français par acquisition.

La part des immigrés en emploi est très variable d’un département à l’autre (figure 1). Elle est la plus importante en Haute-Savoie (14 %) et dans l’Ain (13 %), notamment par leur proximité avec la Suisse, et dans le Rhône (13 %) qui regroupe près du tiers des immigrés en emploi de la région.

Dans la moitié ouest d'Auvergne-Rhône-Alpes, les travailleurs immigrés sont beaucoup moins présents, avec un poids inférieur à 7 % dans le Puy-de-Dôme, l’Ardèche, l’Allier, la Haute-Loire et le Cantal.

Figure 1Nombre et part des immigrés parmi les actifs en emploi

Nombre et part des immigrés parmi les actifs en emploi - Lecture : en 2020, dans le département du Rhône, la part des actifs immigrés en emploi sur l’ensemble des actifs en emploi est de 13 %.
Département Effectifs immigrés Part des immigrés en emploi dans la population active occupée (en %)
01 37 417 12,9
02 8 825 4,6
03 5 729 4,7
04 5 204 8,4
05 3 335 5,8
06 69 508 16,2
07 6 622 5,3
08 5 097 5,1
09 4 523 7,9
10 8 872 7,7
11 12 254 9,3
12 6 581 6,0
13 83 084 10,7
14 11 357 4,1
15 1 452 2,5
16 7 173 5,3
17 9 261 3,8
18 5 939 5,2
19 5 979 6,5
21 16 782 7,5
22 9 240 4,0
23 1 913 4,5
24 9 799 6,5
25 18 355 8,2
26 15 733 7,7
27 13 313 5,5
28 14 558 8,3
29 12 402 3,4
2A 6 915 10,6
2B 8 699 12,5
30 22 354 8,3
31 66 454 10,7
32 5 144 6,9
33 57 759 8,3
34 43 864 10,0
35 24 823 5,3
36 3 890 4,8
37 15 851 6,4
38 51 872 9,6
39 6 388 6,1
40 8 560 5,2
41 8 648 6,8
42 22 706 7,7
43 3 161 3,4
44 35 627 5,7
45 31 271 11,3
46 4 376 6,8
47 11 694 9,6
48 1 913 6,2
49 15 085 4,5
50 5 169 2,6
51 15 075 6,6
52 2 295 3,5
53 4 905 3,8
54 25 297 8,7
55 3 265 4,6
56 10 690 3,6
57 43 651 10,2
58 3 551 5,0
59 66 691 6,7
60 30 750 9,0
61 4 463 4,3
62 11 480 2,1
63 18 154 6,8
64 21 481 7,7
65 5 060 5,9
66 14 698 9,2
67 58 715 11,8
68 38 433 12,0
69 104 260 13,1
70 3 736 4,0
71 13 094 6,2
72 9 729 4,3
73 15 938 8,3
74 53 538 13,7
75 226 291 21,8
76 27 265 5,6
77 106 013 16,8
78 110 887 17,5
79 6 901 4,5
80 8 272 3,8
81 8 825 6,0
82 8 712 8,7
83 29 235 7,3
84 21 529 10,3
85 7 523 2,7
86 9 365 5,4
87 10 786 7,6
88 5 415 3,9
89 10 276 8,0
90 5 471 9,9
91 115 469 20,3
92 169 186 22,3
93 246 115 37,6
94 161 443 26,1
95 128 995 24,3
  • Lecture : en 2020, dans le département du Rhône, la part des actifs immigrés en emploi sur l’ensemble des actifs en emploi est de 13 %.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2020, exploitation complémentaire.

Figure 1Nombre et part des immigrés parmi les actifs en emploi

  • Lecture : en 2020, dans le département du Rhône, la part des actifs immigrés en emploi sur l’ensemble des actifs en emploi est de 13 %.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2020, exploitation complémentaire.

L’Afrique et l’Europe, principaux continents d’origine

Les travailleurs immigrés résidant dans la région sont, comme en France métropolitaine, principalement originaires d’Afrique et d’Europe (respectivement 41 % et 40 % (figure 2)). La part des natifs d’Afrique est plus importante en France métropolitaine (47 %), portée par l’Île-de-France dont la part atteint 52 %. L’immigration intra-européenne, facilitée par la libre circulation des biens et des personnes depuis le milieu des années 1990, est plus importante dans la région qu’en France métropolitaine (32 %). La situation centrale de la région et ses frontières communes avec la Suisse et l’Italie peuvent l’expliquer. Selon leur nationalité d’origine, les immigrés sont arrivés à des périodes différentes sur le sol français.

Figure 2Nombre et part d’immigrés actifs de 15 à 64 ans selon leur continent et pays d’origine

Nombre et part d’immigrés actifs de 15 à 64 ans selon leur continent et pays d’origine - Lecture : en 2020, 41 600 actifs immigrés en emploi résidant en Auvergne-Rhône-Alpes, sont originaires du Portugal, soit 12,4 % de ces actifs.
Origine Nombre d’immigrés en emploi Répartition des immigrés en emploi (en %) Part des immigrés en emploi (en %)
Total Arrivés depuis moins de dix ans Arrivés depuis plus de 40 ans
Afrique 139 100 41,3 53,4 27,6 13,4
dont Algérie 45 890 13,6 50 18,5 19,9
dont Maroc 33 000 9,8 54,5 28,5 16,6
dont Tunisie 17 700 5,2 53 29,3 14,8
Europe 133 700 39,7 64,7 32,7 20
dont Portugal 41 600 12,4 73,1 23,6 39,7
Asie 48 000 14,3 51,8 20,3 14,9
dont Turquie 18 700 5,6 49,8 9,4 17,3
Amériques 15 000 4,5 60,9 42,6 4,1
Australie, Océanie 600 0,2 64,6 46,3 2,5
Total 336 400 100 57,5 29,3 15,8
  • Lecture : en 2020, 41 600 actifs immigrés en emploi résidant en Auvergne-Rhône-Alpes, sont originaires du Portugal, soit 12,4 % de ces actifs.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la Population 2020, exploitation complémentaire.

Le premier pays d’origine est l’Algérie : 14 % des travailleurs immigrés résidant dans la région y sont nés, soit deux points de plus qu’en France métropolitaine. Plus globalement, près de trois immigrés en emploi sur dix sont originaires du Maghreb. En effet, 10 % sont nés au Maroc et 5 % en Tunisie. Cette immigration d’origine maghrébine, régulière depuis la fin de la colonisation française, est facilitée par les accords bilatéraux en matière de séjour et de travail. Les travailleurs immigrés originaires du Maroc et de Tunisie sont arrivés plus récemment que ceux d’Algérie. Près de 29 % des natifs de Tunisie et du Maroc sont arrivés sur le sol français il y a moins de dix ans, contre seulement 19 % des Algériens.

Également originaires du continent africain, les natifs d’Afrique subsaharienne, qui représentent 12 % des travailleurs immigrés de la région, forment une immigration récente, 36 % étant arrivés il y a moins de dix ans.

Le deuxième pays d’origine des travailleurs immigrés est le Portugal : 12 % des immigrés en emploi de la région y sont nés, soit deux points de plus qu’en France métropolitaine. Ce taux atteint 25 % dans le Puy-de-Dôme, où les industriels du caoutchouc ont massivement fait venir de la main d’œuvre portugaise à partir de 1960. Les natifs du Portugal ont rejoint la région (tout comme la France) en plusieurs vagues : 40 % il y a plus de 40 ans, mais 25 % depuis moins de dix ans.

Les travailleurs immigrés originaires de Turquie sont également plus présents dans la région que dans l’ensemble de l’Hexagone (6 % contre 4 %). L’arrivée des natifs de Turquie s'est intensifiée à partir du coup d'Etat de septembre 1980 et du début du conflit kurde (1984) ; seuls 9 % d’entre eux sont arrivés depuis moins de dix ans.

L’autre spécificité d’Auvergne-Rhône-Alpes tient à sa proximité géographique avec l’Italie et la Suisse. Les natifs de ces deux pays limitrophes sont plus représentés dans notre région qu’en France métropolitaine. En effet, ceux d’Italie comptent pour 3,9 % des travailleurs immigrés dans la région, contre 2,3 % en France, et c’est en Savoie qu’ils sont les plus nombreux. Les écarts sont encore plus importants pour les immigrés en emploi originaires de Suisse (3,8 % des travailleurs immigrés de la région, contre 0,9 % en France), souvent des personnes qui travaillent dans leur pays d’origine et privilégient, pour des raisons économiques, des lieux de résidence du côté français de la frontière. La Haute-Savoie concentre les deux tiers des travailleurs immigrés nés en Suisse qui habitent la région, et 16 % des immigrés en emploi haut-savoyards sont d’origine suisse.

Les travailleurs immigrés plus souvent dans le tertiaire et la construction

En 2020, plus de la moitié des travailleurs immigrés exercent un emploi dans le tertiaire marchand (commerce, transport et services – contre 45 % chez les non-immigrés) et ils sont près de deux fois plus nombreux que les non-immigrés à travailler dans la construction (11 % contre 6 %). Le secteur industriel en rassemble 13 %, soit deux points de moins que pour les non-immigrés. Avec l'érosion de l'emploi industriel, les immigrés travaillent moins souvent que par le passé dans les entreprises industrielles, et sont aujourd’hui surreprésentés dans des emplois tertiaires peu qualifiés (gardiennage, nettoyage).

Si les secteurs d’activité dans lesquels travaillent les immigrés évoluent, la catégorie socioprofessionnelle de ces derniers reste souvent la même : 32 % sont ouvriers, contre 19 % chez les non-immigrés. Ils sont pour l’essentiel dans les métiers du bâtiment, ouvriers non qualifiés de l’industrie ou manutentionnaires. Puis, 27 % d'entre eux sont employés, soit seulement un point de plus que les non-immigrés. Les employés immigrés sont, par exemple, particulièrement présents parmi les employés de maison (37 %), les agents de gardiennage et de sécurité (23 %) et les agents d'entretien (20 %). Ils sont nombreux aussi dans l’hôtellerie-restauration.

À l’inverse, la part des professions intermédiaires est plus élevée chez les non-immigrés que chez les immigrés. De même, parmi les travailleurs immigrés, 15 % sont cadres (contre 18 % chez les non-immigrés), en tant que médecins ou personnels d’étude et de recherche par exemple.

Enfin, entre immigrés et non-immigrés, seul un point sépare la part des artisans, commerçants, chefs d’entreprise, qui sont, par exemple, gestionnaires d’entreprises dans le domaine de l’hôtellerie-restauration.

Les immigrés diplômés du supérieur plus souvent en situation de déclassement

Parmi les travailleurs immigrés, 22 % déclarent n’avoir aucun diplôme (figure 3), qu’il ait été obtenu dans leur pays d’origine ou en France. Cette part est beaucoup plus élevée que celle des non-immigrés (5 %). De plus, parmi ces non-diplômés, 55 % sont ouvriers soit neuf points de plus que chez les travailleurs non-immigrés.

Figure 3Répartition des catégories socioprofessionnelles selon le niveau de diplôme des immigrés et non-immigrés

(en %)
Répartition des catégories socioprofessionnelles selon le niveau de diplôme des immigrés et non-immigrés ((en %)) - Lecture : en 2020, 10,4 % des immigrés actifs, titulaires d’au moins un bac+2 (ou équivalent, y compris obtenu dans le pays d’origine) occupent un emploi d’ouvrier.
Niveau de diplôme Statut Agriculteurs Artisans, commerçants, chefs d’entreprise Cadres et professions intellectuelles supérieures Professions intermédiaires Employés Ouvriers
Ensemble Non-immigrés 1,6 7,0 18,3 28,6 25,7 18,8
Immigrés 0,2 7,9 14,6 18,0 27,0 32,3
Sans diplôme Non-immigrés 1,7 8,1 2,8 10,8 30,7 45,9
Immigrés 0,2 9,0 2,2 7,1 26,5 55,0
De CEP à Bac Non-immigrés 2,4 8,7 4,3 20,3 35,0 29,3
Immigrés 0,3 9,1 3,6 15,1 32,8 39,1
Au moins Bac+2 Non-immigrés 0,8 5,0 35,2 39,6 15,2 4,2
Immigrés 0,2 5,9 35,2 27,9 20,4 10,4
  • Lecture : en 2020, 10,4 % des immigrés actifs, titulaires d’au moins un bac+2 (ou équivalent, y compris obtenu dans le pays d’origine) occupent un emploi d’ouvrier.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la Population 2020, exploitation complémentaire.

Figure 3Répartition des catégories socioprofessionnelles selon le niveau de diplôme des immigrés et non-immigrés

  • Lecture : en 2020, 10,4 % des immigrés actifs, titulaires d’au moins un bac+2 (ou équivalent, y compris obtenu dans le pays d’origine) occupent un emploi d’ouvrier.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la Population 2020, exploitation complémentaire.

Par contraste, la part des personnes immigrées déclarant posséder un diplôme de niveau bac+2 minimum atteint 36 % mais elle reste inférieure de dix points à celle des non-immigrés. Cet écart est encore plus marqué parmi les diplômés ayant au moins un bac+5.

Les travailleurs immigrés diplômés d’au moins un bac+2 sont aussi plus souvent en situation de déclassement professionnel. En effet, même si parmi ces diplômés, la part des cadres est équivalente chez les non-immigrés et les immigrés, ils occupent moins souvent des professions intermédiaires (28 % contre 40 %) et sont plus souvent employés (20 % contre 15 %) et ouvriers (10 % contre 4 %).

Le fait d’être diplômé les protège relativement peu du chômage. Parmi les immigrés déclarant au moins un bac+2, 13 % sont au chômage, soit seulement trois points de moins que ceux ne déclarant aucun diplôme. Ce constat est d’autant plus vrai chez les femmes, dont la part de chômeuses (15 %) est équivalente quel que soit le niveau de diplôme. Parmi les non-immigrés, plus le niveau du diplôme augmente, plus la part de chômeurs diminue, passant de 13 % chez les non-diplômés à 5 % pour ceux déclarant au moins un bac+2.

Portugal, Turquie, Afrique : des immigrés au profil socioprofessionnel modeste

Du fait de vagues historiques d’immigration répondant pour certaines à des besoins en main d’œuvre spécifique, les profils des immigrés peuvent être très différents d’un pays d’origine à l’autre.

Les travailleurs immigrés originaires du Portugal et de Turquie partagent des points communs : une immigration très ouvrière (respectivement 46 % et 51 % d’ouvriers), un très faible niveau de diplôme (respectivement 40 % et 46 % ne déclarent aucun diplôme) et des différences entre les hommes et les femmes, notamment sur les métiers occupés. Plus de la moitié des hommes sont ouvriers (respectivement 63 % et 55 %), et plus de 40 % d’entre eux travaillent dans le secteur du BTP. Les femmes occupent beaucoup plus souvent des postes d’employés, en tant qu’agents d’entretien, aides à domicile ou employés de maison.

Les immigrés de Turquie sont plus souvent tournés vers l’entrepreneuriat. En effet, 21 % d’entre eux sont artisans, commerçants, ou chefs d’entreprises, soit 13 points de plus qu’en moyenne chez les immigrés. Dans les années 1980, les premières entreprises turques sont apparues dans la maçonnerie de gros œuvre, puis dans les petits travaux de construction : carrelage, électricité, plomberie et dans un second temps, des entreprises familiales sont nées dans la restauration rapide et le petit commerce alimentaire .

Les immigrés d’origine maghrébine ont également une part d’ouvriers importante (39 %) et des métiers souvent différents entre les hommes et les femmes. La moitié des hommes occupe un poste d’ouvrier. Ils travaillent un peu plus fréquemment dans l’industrie (17 % contre 16 % pour l’ensemble des hommes immigrés) et moins souvent dans le bâtiment (14 % contre 19 %). À l’inverse, la moitié des femmes natives du Maghreb est employée, pour beaucoup d’entre elles en tant qu’agents d’entretien.

D’autres nationalités se caractérisent par une part importante d’employés. Les 42 100 travailleurs natifs d’Afrique subsaharienne en comptent 39 %. Ces immigrés exercent souvent dans le secteur tertiaire, comme 76 % des hommes et 94 % des femmes. Les premiers œuvrent surtout dans le commerce et les services, les femmes dans les secteurs de la santé et de l’action sociale, souvent en tant qu’agents d’entretien ou aides soignants. Les immigrés de Suisse et du Brésil comptent aussi un tiers d’employés, très souvent dans le commerce, les transports ou les services, mais également une part de cadres dépassant les 20 %.

Liban, États-Unis, Chine, Allemagne et Royaume-Uni : une immigration plus favorisée

Les travailleurs immigrés originaires du Liban et des États-Unis d’Amérique sont très qualifiés, avec près de la moitié des actifs en emploi de cadre supérieur. Ils sont fréquemment médecins, enseignants, cadres administratifs, comptables et financiers, personnel d’études et de recherche ou ingénieurs de l’informatique.

La part de cadres avoisine les 30 % chez les travailleurs issus de certains pays européens (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Pays-Bas) tout comme chez ceux d’origine chinoise et indienne. Cependant, le profil de ces immigrations d’Asie est plus diversifié : les cadres d’entreprise, les personnels d’études et de recherche ou encore les ingénieurs de l’industrie cohabitent avec des cuisiniers, des patrons d’hôtel et de restaurant ou des ouvriers.

Enfin, la répartition par catégorie socioprofessionnelle des immigrés originaires d’Espagne et d’Italie est plutôt équilibrée avec le poids de chacune allant de 20 % à 26 %, même si quelques écarts homme-femme subsistent. Un homme sur quatre est cadre contre une femme sur cinq, ces dernières étant plus souvent employées (40 %).

Encadré – Des situations de non-emploi différentes selon les origines et le sexe

Si globalement le taux d’emploi des immigrés est de 57 %, il peut être différent d’un pays d’origine à l’autre.

Les taux d’emploi les plus faibles concernent les immigrés natifs des pays du Maghreb, avec cependant un différentiel important selon le sexe. Chez les hommes, il atteint 66 % et s’accompagne d’un fort chômage, près de 20 %. Chez les femmes, il n’est que de 39 %. La part des chômeuses est également proche de 20 %, mais surtout un quart d’entre elles est femme au foyer.

Cette part de femmes au foyer s’élève à 45 % chez les immigrées ressortissantes de Turquie ; ce qui explique un taux d’emploi très bas (28 %). Le déséquilibre homme-femme est particulièrement marqué pour les immigrés originaires de ce pays, puisque sept hommes sur dix sont en emploi.

Par contraste, chez les natifs du Portugal, les taux d’emploi sont élevés et très similaires (76 % chez les femmes et 69 % chez les hommes) et ils sont peu au chômage (7 %).

Figure 4Répartition des immigrés de 15 à 64 ans selon leur situation vis-à-vis de l’emploi

(en %)
Répartition des immigrés de 15 à 64 ans selon leur situation vis-à-vis de l’emploi ((en %)) - Lecture : en 2020, 57,5 % des immigrés résidant en Auvergne-Rhône-Alpes sont actifs en emploi contre 68,9 % des non-immigrés.
Origine En emploi Chômeurs Retraités Élèves, étudiants, stagiaires Femmes ou hommes au foyer Autres inactifs
Immigrés 57,5 14,5 4,1 6,7 9,0 8,2
Non-immigrés 68,9 7,4 6,3 11,0 1,9 4,5
Afrique 53,4 18,2 3,0 5,8 10,5 9,1
dont Maghreb 52,0 18,6 3,8 3,9 13,1 8,6
dont Afrique subsaharienne 57,0 17,1 1,1 10,4 4,2 10,2
Europe 64,6 9,9 6,3 6,8 5,1 7,3
dont Portugal 73,1 6,9 8,0 2,6 2,9 6,5
Asie 51,8 14,6 2,7 7,6 13,9 9,4
dont Turquie 49,8 14,1 3,3 1,6 21,9 9,3
  • Lecture : en 2020, 57,5 % des immigrés résidant en Auvergne-Rhône-Alpes sont actifs en emploi contre 68,9 % des non-immigrés.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la Population 2020, exploitation complémentaire.

Figure 4Répartition des immigrés de 15 à 64 ans selon leur situation vis-à-vis de l’emploi

  • Lecture : en 2020, 57,5 % des immigrés résidant en Auvergne-Rhône-Alpes sont actifs en emploi contre 68,9 % des non-immigrés.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, personnes de 15 à 64 ans, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensement de la Population 2020, exploitation complémentaire.

Globalement, la part d’élèves, étudiants et stagiaires, est plus basse chez les immigrés (7 %) que chez les non-immigrés (11 %), ce qui est lié en grande partie à l’âge d’arrivée sur le sol français. En effet, seuls 12 % des immigrés ont moins de 25 ans, contre 20 % de la population non-immigrée. Cette part atteint 10 % chez les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne avec peu d’écart entre les hommes et les femmes, dont l’arrivée est plus récente et à des âges plus jeunes.

De même, la part des retraités est moindre (4 % contre 6 %), du fait d’une part d’une population âgée de 60 à 64 ans plus faible chez les immigrés que les non-immigrés (29 % contre 36 %), ce qui peut être dû à des retours au pays d’origine et d’autre part à des départs à la retraite plus tardifs. En effet, parmi les 60-64 ans, 4,5 % des immigrés sont en emploi contre 3,4 % pour les non-immigrés.

Publication rédigée par :Serge Maury, Émilie Sénigout (Insee)
Publication rédigée par :Serge Maury, Émilie Sénigout (Insee)

Sources

Cette étude repose sur l’exploitation du Recensement de la population de 2020 de l’Insee. Le champ retenu couvre l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans, y compris celles vivant en communautés ou sans domicile.

Définitions

Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Cela inclut les personnes ayant acquis la nationalité française, mais exclut les Français de naissance nés à l’étranger et résidant en France et les étrangers nés en France. C’est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l’origine géographique d’un immigré.

Le taux d’emploi (resp. taux de chômeurs, de retraités…) calculé dans cette étude correspond au rapport entre le nombre de personnes se déclarant en emploi (resp. chômeurs, retraités…) et l’ensemble de la population âgée de 15-64 ans.

Extrait de « Culture immigrée/émigrée : l’exemple de la migration turque vers la France », Servet Ertul dans Migrations Société 2009.

Pour en savoir plus

Picart C., « La répartition des immigrés et de leurs descendants selon la profession : le niveau des diplômes n’explique pas tout », Insee Référence, juin 2023.

Herbet J., Jacquesson F., « Les actifs immigrés en Île-de-France : leurs métiers, diplômes et origines », Insee Analyses Île-de-France no 160, octobre 2022.

Geay T., Veschambre M., « Des immigrés aux origines plus diverses mais un accès à l’emploi souvent difficile », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes no 89, décembre 2019.